Le 16 décembre 2016 le Conseil Constitutionnel a été saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de l’article 123 bis du code général des impôts aux droits et libertés garantit par la Constitution.
L’article 123 bis du Code général des impôts prévoit que lorsqu’une personne physique domiciliée en France détient directement ou indirectement 10 % au moins des titres dans une entité juridique établie ou constituée hors de France et soumise à un régime fiscal privilégié, les revenus de cette entité juridique sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers de cette personne physique, dans la proportion des titres détenus.
Il est précisé que lorsque l’entité juridique est établie ou constituée dans un État ou territoire n’ayant pas conclu de convention d’assistance administrative avec la France, ou qui est non coopératif, le revenu imposable de la personne physique ne peut être inférieur à un revenu forfaitaire. Celui-ci étant calculé en multipliant l’actif net de l’entité juridique par le taux d’intérêt fixé par l’article 39 1 3° du CGI.
En d’autres termes, dès lors qu’un contribuable détient une entité juridique dans un Etat ou territoire non coopératif ou n’ayant pas conclu de convention d’assistance administrative avec la France, celui-ci se voit imposé à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur la base d’un revenu forfaitaire minimum. Et ce, alors même que le revenu réellement perçu peut être très nettement inférieur ! Ce qui conduit à imposer un revenu fictif, puisque non perçu par le contribuable.
Ces dispositions instituent une présomption irréfragable de fraude fiscale. Ce qui est contraire aux principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques, fixant une valeur plancher au revenu imposable, calculée de façon forfaitaire en fonction de l’actif net de l’entité, lorsque l’entité juridique est établie dans un État ou territoire non coopératif ou n’ayant pas conclu de convention administrative avec la France.
Cette saisie du Conseil Constitutionnel est importante au regard des régularisations d’avoirs bancaires étrangers. En effet, par définition, l’article 123 bis du CGI était très rarement appliqué avant la mise en place de la circulaire Cazeneuve organisant les modalités de régularisation d’avoirs étrangers puisque les entités juridiques n’étaient pas déclarées à l’administration fiscale française, et que cette dernière en avait que très rarement connaissance du fait du secret bancaire.
Or, en déclarant spontanément les revenus générés par ces structures juridiques se posait le problème de la conformité avec la Constitution de ces dispositions qui conduisaient à imposer le contribuable sur un revenu fictif sans pouvoir apporter la preuve que le revenu réellement perçu était inférieur.
Dans sa décision du 1er mars 2017, le Conseil Constitutionnel a considéré que l’article 123 bis du code général des impôts était conforme à la Constitution, mais a émis une réserve de taille.
- En effet, le contribuable doit pouvoir être autorisé à apporter la preuve que le revenu réellement perçu par l’intermédiaire de l’entité juridique est inférieur au revenu défini forfaitairement en application des dispositions de l’article 123 bis.
- En outre, le contribuable doit pouvoir, quel que soit l’État ou le territoire dans lequel l’entité est localisée, être exempté de l’application de l’article 123 bis en l’absence de montage artificiel visant à contourner la législation fiscale française.
- Désormais, tout contribuable détenant une entité juridique dans un Etat ou territoire non coopératif ou n’ayant pas conclu de convention d’assistance administrative avec la France, pourra être imposé sur les seuls revenus réels de cette structure et non plus sur des revenus déterminés forfaitairement.
Nous considérons que cette interprétation de l’article 123 bis du CGI par le Conseil Constitutionnel s’applique de manière rétroactive.
Ainsi, dans le cadre des régularisations d’avoirs étrangers, les contribuables disposant d’entités juridiques dans un Etat ou territoire non coopératif ou n’ayant pas conclu de convention d’assistance administrative avec la France, se verront imposés sur les seuls revenus réels de leurs structures et ce, sur l’ensemble de la période non prescrite, soit 10 ans.
Enfin, nous vous précisons que le Conseil Constitutionnel n’a pas été saisi de l’application d’une majoration de 25 % des revenus déclarés provenant d’entités juridiques dans un Etat ou territoire non coopératif ou n’ayant pas conclu de convention d’assistance administrative avec la France, prévu à l’article 158-7-2° du CGI.
Or, le caractère systématique de l’application de cette majoration de 25 % sans distinction entre les contribuables déclarant spontanément ou non leurs avoirs étrangers nous apparait non conforme à la Constitution et mériterait d’être soulevé à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité.